La chapelle Saint-Jacques et la famille des Batthyány
La chapelle Saint-Jacques – son histoire
« La chapelle Saint-Jacques est un des exemples les plus tragiques de l’incurie des gens. Aussi terrible que les guerres, l’ignorance peut coûter à une nation des pertes irréparables »
Le 27 septembre 1627, dix ans avant la construction du château actuel, eut lieu l’inauguration de la nouvelle chapelle Saint Jacques sur la rive droite de la Sambre, au hameau, dit de «Tergnies» ou «Tergnée», plein fief relevant de la seigneurie de Farciennes, qui comprenait une importante ferme et une vingtaine de maisons. Un pont à six arches, enjambant la Sambre, permettait une liaison facile avec le Château de Farciennes situé le long de la rive gauche, dont il dépendait. Le fermier, bailli de la famille d’Onyn, y occupait une place de choix, ayant, par délégation des seigneurs de Farciennes, un droit de « basse justice», sur les habitants du hameau.
La chapelle de style gothique, dont l’édification avait été ordonnée par Charles-Albert de Longueval, 3ème comte de Bucquoy, baron de Vaulx, seigneur de Farciennes et Tergnée, dédiée à Saint- Jacques, était constituée, au début du XVIIe siècle, d’une seule nef, de 20,80 m de long sur 7,65m de large et d’un clocher d’une hauteur de 20 mètres. La chapelle était construite sur une butte de 5,50m et une vingtaine de marches permettaient d’y accéder.
Le comte Károly József Batthyány von Német-Ujvár fait ensuite construire un large caveau sous la nef d’une profondeur de 3,5m plus au moins afin d’y accueillir la dépouille de sa jeune épouse Anna von Waldstein décédée le 16 novembre 1724, âgée de 32 ans; elle fut inhumée selon certains rites transylvaniens, un lourd pieu en métal fiché dans sa poitrine au niveau du cœur. Ce clou est long de 68cm et mesure 2,5cm de côté à mi-longueur, la tête carrée à 5cm de côté, et pèse 2,5 kg ; la tête de la défunte est tournée vers l’Orient.
Le 1er mars 1742, Eugen Franz Johann Joseph Batthyány, fils du comte Károly József et de feue la comtesse Anna, meurt au château à l’âge de vingt ans. Il est à son tour inhumé sous la nef aux côtés de sa mère selon le même cérémonial.
Trois autres enfants du second mariage du comte Batthyány avec Franziska Maria Theresia von Strattmann und Peuerbach y sont également inhumés entre 1727 et 1747, à savoir Mária Eleonora en 1727 (âgée de 9 jours), Heinrich Theodor Kornelius Johann Nepomuk en 1733 (âgé de 6 mois) et Mária Gabriela en 1747 (âgée de 5 ans) de manière similaire, la nuque brisée où la tête est scindée du corps puis tournée vers l’Orient.
D’après certaines recherches cette étrange tradition mortuaire trouve ses origines en Moldavie dès le XIIe siècle, elle s’est ensuite répandue dans les anciens Etats qui forment aujourd’hui la Roumanie en passant par le royaume de Hongrie jusque dans le sud de la Pologne. Ce rite mystérieux s’effectuait loin des regards, quelques heures avant la fermeture définitive du caveau. Le corps de la personne décédée de maladie ou de mort étrange était d’abord transpercé, au niveau du cœur, d’un grand clou, en fer ou en argent, pour libérer l’âme afin qu’elle trouve le chemin du repos éternel et ainsi éviter qu’elle ne revienne hanter les vivants, puis on fracturait violemment la nuque pour être certain que l’inhumé ne puisse revenir à la vie (…).
Ce rituel était accompli par deux membres de la famille, dans la discrétion qui s’imposait ; à la demande de la famille, et en fonction d’un cérémonial très précis, chaque maison du hameau était alors recouverte, le temps des funérailles, d’un grand voile noir, en signe de deuil.
1851 – Pour cause d’utilité publique (voiries d’industries) et en raison de sa vétusté, la chapelle Saint-Jacques fut démolie. Mais, lors de la démolition, de la chapelle de Tergnée, les ouvriers communaux mettent à nu les portraits du Comte et de la Comtesse de Bucquoy en écaillant le badigeon qui couvrait les murs du chœur, ainsi que la représentation de Saint-Jacques patron de la chapelle, reconnaissable à son bourdon et aux coquilles de pèlerin (Saint-Jacques de Compostelle). Les « travaux » sont réalisés dans l’indifférence générale, des pièces historiques d’un haut intérêt sont égarées, d’autres anéanties, d’autres encore tels les mobiliers religieux sont sauvegardés et se retrouvent actuellement en l’église de l’Assomption de Farciennes.
Début avril 1851, les ouvriers procèdent à l’enlèvement de la butte où se dressait la chapelle afin d’en incorporer le fond dans la voirie communale. Ils découvrent sous le chœur cinq cavités en forme de tombe non revêtues de maçonnerie. Dans chaque excavation, ils aperçoivent des cercueils rongés par le temps, ainsi que des ossements humains. Quatre sarcophages étaient transpercés d’un long pieu planté à l’endroit de la poitrine du défunt et s’enfonçait dans le sol, quant au cinquième, le « clou » était à plat parmi les ossements et les débris de bois du cercueil. La tête de tous les squelettes était tournée à l’Orient.
Sources :
Recherches généalogiques du comte Batthyany effectuées par le Baron Stephan Warest de Monthessy – Compilation historique par Claude Jacques, historien de l’asbl Farciennes+.
La légende des vampires
La Légende des Vampires de Farciennes.
En 1851, on décida de démolir la vieille chapelle du château. Elle fut abattue dans l’indifférence générale. Mais la situation fut bien différente lorsque les ouvriers commencèrent à faire disparaitre le cimetière qui l’entourait. Alors qu’ils évacuaient des terres, l’outil de l’un d’eux heurta quelque chose de dur.
Etant sur les lieux d’un ancien cimetière, ils ne furent pas étonnés de découvrir une série de cinq cercueils. Sous les coups de pelles, le bois des cercueils céda et les ossements apparurent. Les ouvriers constatèrent qu’il s’agissait de la sépulture de deux adultes et de trois enfants, sans doute d’une même famille.
Ils furent d’abord frappés par la direction dans laquelle étaient tournés les crânes des défunts. Ils n’étaient pas droits, dans le prolongement du corps, mais tournés vers l’Orient. Ce qui les stupéfia davantage, c’était qu’un clou était planté dans chaque cercueil, à l’endroit même où se trouvait la poitrine des défunts.
Les dimensions des clous aussi étaient pour le moins inhabituelles. Le plus long mesurait 68 centimètres et pesait 2 kilos et demi. Leur taille dépassait allégrement celle des plus gros clous fabriqués à Farciennes, une antique région de cloutiers.
Dans un siècle où les superstitions étaient encore tenaces, cette mystérieuse découverte prit l’allure d’une légende. Des années plus tard, on s’interrogea sur le lien entre cette découverte et les croyances liées aux vampires dont la littérature avait fait savoir que les clous plantés dans le cœur étaient, si on y croyait, la seule manière de se débarrasser d’eux.
Surtout que, fait troublant, ces cercueils appartenaient à la famille du comte Charles-Joseph de Batthyani, qui hérita du château de Farciennes au 18e siècle. Les Batthyani étaient originaires de Bohème et descendants de Vlad III l’Empaleur, prince de Valachie, que l’on surnommait aussi « fils du dragon ». En roumain, cela se dit… Dracula !
Alors si vous voulez trembler, allez vous perdre une nuit de pleine lune du côté des ruines du château de Farciennes …
« La nouvelle se répandit très rapidement dans tout le royaume. La légende des vampires de Farciennes est née »
NB : Les clous découverts furent intégrés dans les collections du Musée archéologique de Charleroi, mais quatre des cinq clous disparurent par la suite, assez mystérieusement … la superstition liée au vampirisme a la dent dure en Transylvanie, région de Hongrie, mais tout compte fait, est-ce bien une légende ?
Extrait du livre des Contes et Légendes d’Alain Jourdan.